Le lynx et le toro
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Les manifestations de masse en faveur de l’interdiction de l’avortement ce week-end "tras los montes", montrent la puissance morale et financière de l’église en Espagne. Elles illustrent aussi son poids conservateur et sans doute ne faut-il pas sous-estimer le rôle de l’ Opus Dei dans cette affaire. "L’oeuvre" tient des universités, des hôpitaux et de nombreux médias qui orchestrent en sous main ce déferlement d’un autre âge en contradiction avec les idéaux européens.
Cette campagne a pris comme emblème le Lynx d’Espagne, animal splendide, en voie d’extinction, et qu’il est bien naturel de protéger au même titre que l’ours des Pyrénées. Elle est basée sur la comparaison entre la défense du lynx et celle du fétus, entendu comme un être humain. C’est ce que l’on appelle de l’anthropomorphisme : amalgame entre animal et être humain. Un point de vue, on le voit, ultra-conservateur et anti-démocartique car il prétend imposer ses vues aux principales intéressées : les femmes.
On fera facilement le parallèle avec le mouvement anti-taurin, dont le dernier avatar est le livre de Laborde. Il prétend mettre sur le même plateau de la balance, à égalité, Toro et Torero. Comme si la vie de l’être humain pouvait s’apprécier à l’égal de celle de l’animal... Non la survie du lynx n’a rien à voir avec la législation autour du fétus, pas plus que le sort du toro n’est comparable avec celui du matador.
Dans les deux cas l’ instrumentalisation de l’animal est frappante et dégradante. Elle a pour but la dramatisation, l’appel à la passion alors que la raison est nécessaire pour régler les problèmes complexes de la société. C’est, pour simplifier, du pur obscurantisme. L’animal sert d’alibi à des causes glauques, dont le but peu avouable est de réduire encore un peu plus des libertés chèrement acquises. En ces temps de crise -elle a sa dimension morale-, la montée de l’obscurantisme est un phénomène classique et nous en verrons d’autres.
Qui sont les humanistes ? Les partisans du lynx ou ceux qui sont en faveur d’une législation souple qui permette aux femmes de décider elles-mêmes de leur destin ? Qui sont les humanistes ? Ceux qui se lamentent sur le sort du toro ou ceux qui l’élèvent et permettent la survie d’une espèce qui aurait disparu sans la corrida ? Poser la question c’est y répondre à condition de faire preuve d’un minimum d’ honnêteté intellectuelle et d’user de raison.
Même si nous défendons une tradition, nous ne sommes pas, nous les aficionados, les grands-prêtres du passé. Au contraire, nos valeurs sont celles d’une société basée sur le respect de la nature et de la place dévolue à l’homme et à l’animal ; en évitant les confusions.
Pierre