Fandiño : La preuve par neuf
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C’est à se demander si la planète des toros tourne rond ? Il y a vingt ans, si un torero triomphait régulièrement dans les grandes et petites arènes, les cadors matadors se poussaient pour lui laisser une part du gâteau. On s’expliquait d’abord en piste, au second plan étaient reléguées les stratégies d’alliances, d’échanges, de partage de galette, toros et gros sous. Questionnons-nous pour savoir si, aujourd’hui, un inconnu qui franchirait les grandes portes des plazas, signerait plus de 70 corridas dans la même saison, comme le fit César Rincón en 1991. On devenait alors une étoile en passant de l’ombre au soleil. De nos jours, l’ordre des mots a changé, il ne faut pas faire de l’ombre aux étoiles afin qu’elles demeurent au soleil.
Sachant fort bien depuis l’an passé que contre « Yván le Terrible », qui s’y frotte s’y pique, le quintet autoproclamé « majeur » des figuras (1) ne désire pas du tout agrandir son cercle. D’abord la crise en Espagne, qui a réduit de 40 % le nombre de corridas et novilladas et leurs manques à gagner, mais aussi et surtout le fait que Fandiño ne rechigne pas à affronter l’ensemble des ganaderias, dont celles classées « dures ».
Le trublion
Sentant la bise venir, les vedettes se sont lancé elles-mêmes des défis qui ont capoté, à l’image du solo raté de Manzanares à Séville ou celui de Talavante devant six Victorino Martin à Madrid. Paraîtrait même que l’ambiance au sein du « G5 ex-G10 » ne serait pas au mieux. N’appréciant que du bout des lèvres la fringale de succès de Perera, Manzanares aurait demandé à le croiser le moins souvent possible. Paraît-il.
Fandiño, le trublion du peloton pépère, n’en a cure. Chaussant les zapatillas de sept lieues, le voilà, malgré une grave blessure à Las Ventas qui le tint éloigné plus d’un mois des ruedos, vainqueur absolu à Pamplona et Mont-de-Marsan.
Dans le Sud-Ouest, ses deux derniers paseos de l’été font déjà frétiller afición et grand public : le samedi 10 août, le torero basque s’enferme sur le sable de Bayonne, en solitaire contre six fauves de Fuente Ymbro et, cinq jours plus tard à Dax, toujours face aux bouillonnants cornus de Ricardo Gallardo, on le verra en duel en compagnie de Miguel Angel Perera. La preuve par neuf toros.
Entre-temps, il défilera à Tudela, Azpeitia et Estella. L’incroyable force de Fandiño, outre ses estocades, considérées comme de véritables chefs-d’œuvre, c’est sa lucidité technique du début à la fin de chacune de ses faenas. Ajoutez qu’à l’heure actuelle et avec Alberto Aguilar, il est vrai moins efficace à l’estoc, ils sont les deux toreros à avancer la muleta loin devant et à se passer les toros le plus près du corps durant toute la durée de la passe.
Sur les gradins, plus personne n’est dupe. Ceux qui se la jouent, et en tête Fandiño, méritent non pas une minuscule part de tarte, mais plutôt une immense pièce montée. Le dessert des braves.
Zocato - Sud Ouest
(1) El Juli, Manzanares, Talavante, Morante et Perera.