Alain Bonijol : l’exigence
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Vendredi 17 janvier, le Club Taurin Joseph Peyré organisait sa première soirée de l’année 2014 à la Grange du Château d’Idron à laquelle près d’une quarantaine de socios ont répondu.
A l’invitation de Miguel Darrieumerlou, maître de cérémonie de la soirée, Alain Bonijol est revenu à l’année 1973 au cours de laquelle avec ses amis nîmois il courait les rues pour affronter des taureaux. Il a poursuivi seul la suite de l’aventure et a ainsi, pendant 13 ans, assouvi sa passion en poursuivant une carrière de torero. De son propre aveu, sa carrière a été décousue et n’a pu vraiment se concrétiser du moins financièrement. Son dernier challenge fut, en 1986, sa présentation à Madrid lors de son alternative.Face à cette réalité et avec toute la connaissance du milieu taurin acquise, A. Bonijol songe à créer un élevage, à s’installer comme organisateur, à créer une cavalerie. C’est cette voie qu’il choisira, séduit par le cheval qui prend le dessus sur tout le reste. Tout lui est à découvrir : l’éducation taurine du cheval, qu’il choisit plus léger, le matériel. Tout reste à créer, à inventer. Le pari prend corps petit à petit.
Constatant, grâce à son parcours taurin, que la tauromachie à cheval n’a pas évolué, qu’elle est restée en deçà du spectacle à offrir, il suit une évolution constante tant dans la technicité que dans l’exigence du chemin à suivre. Si pour beaucoup de matadors la façon de piquer le taureau importe peu, pour A. Bonijol le tercio de varas doit être un moment de spectacle et il faut que le public sache son importance, c’est aux aficionados, à le défendre. Le tercio de varas ne doit pas être réservé aux arènes toristes car sans taureau, plus de tauromachie.
A la question de Miguel Darrieumerlou sur l’accueil et le regard qui lui fut réservé par la concurrence, les toreros et les arènes, Alain Bonijol répond que s’ils furent bienveillants, il a du faire ses preuves. Et convaincre des picadors tout puissants et faisant valoir la dangerosité de leur profession. Et pour cela, accepter le challenge, s’investir dans une profession devenue la sienne après l’abandon de l’alternative et de l’idée d’un élevage. Toute son énergie est donc passée dans le projet de cavalerie.
Beaucoup de travail reste à faire, tant dans le devoir de spectacle à apporter à l’afición que d’aller au-delà du simple monosabio (littéralement singe savant) terme dont on affuble ces professionnels.
A. Bonijol s’est réalisé par le cheval en tant que dresseur. C’est sur le dressage du cheval que repose l’ossature du spectacle. Ce n’est pas le cas dans toutes les cuadras. La légèreté et la mobilité de ses chevaux s’acquiert par le dressage qui font de son métier un métier noble et puissant sachant que c’est la partie la plus ingrate de la tauromachie. Celle qui retranscrit la violence, brute et féroce, du taureau.
Rappelant que c’est en 1927 qu’est apparu le premier caparaçon, c’est suite à l’escalade dans le poids des chevaux et après dix ans de recherche qu’il a décidé d’offrir à nouveau un moment d’émotion lors du tiers de piques en présentant des chevaux plus légers, bien protégés avec des caparaçons renforcés de kevlar. Grâce à un travail sur la souplesse toute la mobilité du cheval est conservée.
Interrogé sur la « pique Bonijol », A. Bonijol indique que sa création a pour démarche première de donner plus de torería au premier tiers de la corrida et de mettre en valeur le torero. Tout comme le fait de proposer de bons chevaux aux jeunes picadors. Et toujours dans l’exigence de condamner tout ce qui va à l’encontre du spectacle : la médiocrité vient de ce que les cavaleries ne proposent pas de chevaux dressés d’où l’escalade dans le poids et la surprotection des chevaux. Avec un cheval plus léger, la carioca n’existe pas, le picador bien préparé, ayant confiance en son cheval, propose une pelea véritable.
La parole fut donnée à la salle qui interrogea A. Bonijol sur l’entraînement des picadors, celui des chevaux, leur sélection et sur leur alimentation.
L’échange fut riche d’informations et permit aux socios présents de constater la disponibilité et la sympathie de l’invité d’honneur de la soirée. Qui s’acheva par le traditionnel partage de nourritures terrestres !
Photos : Merci à Jean-Michel Lamy / corridapassion