"UNE LARME POUR SEVILLE"
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Séville, 14 jours de corrida : affligé par la dégénérescence d’un spectacle que l’on s’échine à défendre, plongé dans la tristesse devant la succession de pétards ganaderos dans une indifférence frivole, accablé par la cohorte de toreros apathiques sans la moindre notion de responsabilité, suffoqué par les coups médiatiques éventés pour bobos en mal d’émotion, nous ne résistons pas à vous transmettre le texte revigorant du critique madrilène Antonio Lorca dans El Pais. Il s’appelle "Une larme pour Séville" et il a été cité dans le blog "Campos y Ruedos" qui l’a traduit :
"Permettez qu’une larme symbolique coule aujourd’hui sur cette page comme l’expression d’une douleur profondeur face à la maladie irréversible dont souffre la plaza de la Real Maestranza de Sevilla.
Celle qui fut mère et maîtresse de la tauromachie est aujourd’hui l’image de la tristesse et de la décadence de la fête des toros. Quelle plus grande peine…
Il y a longtemps qu’elle est abandonnée par les aficionados, ceux qui au fils du temps ont donné le lustre et la splendeur à son histoire magique.
Elle est maintenant occupée chaque année par un public divers, triomphaliste et frivole, touristes et spectateurs d’occasion qui confondent le toreo avec un ballet maniéré (de mauvais goût) face à un petit animal infirme.
Un public sans connaissances, velléitaire et capricieux, impropre à la catégorie qui à toujours été celle de ce temple. Ainsi, règnent le conformisme et la négligence, symptômes d’une mort annoncée.
Les taurins font ce qu’ils veulent car le public ne fait pas ce qu’il devrait. Et avec son inhibition il permet la tromperie et la manipulation.
Parce que cette fête, sans un minimum d’exigence, n’a pas de sens.
C’est peut être pour cela que le toreo authentique est moribond. Il n’y a plus de toros mais des petits agneaux, des petits chats, des petites souries, et des porcs aux démarches fatiguées.
Il n’y a plus de toreros, mais des señoritos qui font leurs profits de ce public d’alluvions.
Il n’y a pas d’empresa qui soigne la qualité de son produit, elle se satisfait simplement de rapides bénéfices.
Il n’y a pas d’autorité pour veiller à la pureté de la fiesta, simplement fermer honteusement les yeux sur ce qui se passe.
La corrida d’hier aura été l’expression de la mort de la grandeur de la plaza de seville.
On a perdu la sagesse et imposé la frivolité. On a perdu la majesté, l’ordinaire est aux commandes. Et la corrida de Juan Pedro Domecq, fut ordinaire, invalide, decastée, impotente
Est-ce que ce ganadero reviendrait à Seville s’il y a avait ici une aficion savante ?
Est-ce qu’une figure du toreo consacrée comme Enrique Ponce reviendrait avec ces chats indignes de sa trajectoire ? Où est sa dignité de figure du toreo ?
Quelle honte de voir comment étaient applaudis les trapazos de Ponce à son premier, hors de combat. Qu’applaudissaient-ils ? L’arène semblait devenue folle avec une faenita irrégulière d’un Morante volontaire qui avait bien toréé à la véronique un petit toro sur rail.
Et Nazaré ne put rien faire avec un lot infumable.
Le plus grave est sans doute que les gens sont sortis contents. En fin de compte nous sommes en feria. Mais la Maestranza est restée plongée dans une profonde tristesse.
Quelqu’un a un mouchoir s’il vous plait ?"