CRASH GANADERO
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Beaucoup plus forte en Espagne que dans les autres pays européens, la crise économique affecte durement les structures mêmes de la corrida dans son pays d’origine, là où se déroule l’essentiel des spectacles taurins, où se trouvent aussi la plupart des élevages et la grande majorité des professionnels.
Le nombre des spectacles taurins est en forte diminution cette temporada et on parle de 2 200 toros qui ne seront pas lidiés cette année. Cette baisse spectaculaire affecte tous types de spectacles mais d’abord les novilladas qui ont diminué de moitié le mois dernier par exemple, mais aussi les courses de rejoneo en forte baisse elles aussi - cet élément a surpris les observateurs qui estimait ce nombre de courses stabilisé. Pour ce qui concerne les corridas il est intéressant de noter que ce sont les petites arènes, celles de 3ème catégorie, qui ont souffert le plus. Les arènes de première, c’est à dire les grandes férias, ont maintenu plus ou moins leurs nombres de spectacles, les arènes de seconde sont en baisse mais en troisième catégorie c’est l’effondrement. Dans l’ensemble, la France, et notamment le sud-ouest, s’est bien tenue ; bien que l’on ait pu voir de ci de là des signes préoccupants.
Faut-il se réjouir de ce phénomène de contraction comme le font bruyamment quelques uns qui pensent naïvement que la réduction du nombre de corridas permettra automatiquement une remontée de la qualité, favorisant une sélection plus sévère ? Cela serait trop simple. Ce crash ganadero du au refus des municipalités de subventionner des spectacles qu’elles jugent superflus en ces temps de disette aura des conséquences terribles sur l’ensemble du cheptel dont il faudra se défaire à des prix dérisoires. L’économie des élevages, souvent très fragile, sera affectée parfois mortellement. Il faut donc prévoir que de nombreuses ganadérias vont sombrer et sans doute parmi elles des fers rares, peu sollicités et intéressants. C’est sans doute la standardisation qui va prévaloir, le plus commercial qui va perdurer. Les élevages français que l’on était bien content de trouver en période de langue bleue seront directement touchés par cette déflation générale.
La profession dans son ensemble est menacée et notamment les matadors et les subalternes les plus modestes -la crise affecte toujours les plus faibles, c’est vrai aussi dans le monde taurin. Deux catégories de toreros maintiennent leur cartel : les figuras (Juli, Ponce, Perera, Tomas, Castella, Fandi etc.) et les "médiatiques" (Cordobés, Cayetano, Rivera Ordoñez). Pour les autres la concurrence est rude, et les contrats à la baisse. Elle est rude aussi pour ceux qui tentent de se faire un nom ou pour les nombreux novilleros qui ont moins d’occasion de faire leur place au soleil. Les cachets des stars (celles que tout le monde veut voir et avoir), souvent faraoniques, sont une des causes de cette dégringolade.
Y-aura-t-il un retour aux niveaux des années précédentes, la crise passée ( on parle de 3 ans pour l’Espagne) ? Ça n’est pas certain. Sans pessimisme excessif on voit bien qu’après une période de rupture, il est difficile pour une arène de retrouver son public. Contrairement à une idée reçue la baisse du nombre de spectacles est préjudiciable à la corrida dans son ensemble qui évolue dans un rapport de force fragile : moins de spectacles = moins de public = moins de défenseurs potentiels de la tauromachie...
Pierre Vidal