CRISE A SEVILLE
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La crise c’est le principal sujet de conversation des Sévillans. Il faut dire qu’avec un taux de chômage de près de 25% il y a de quoi se faire du souci. Séville est en vente : la pancarte "se vende"est partout, sur les pare-brises des voitures, aux fenêtres des appartements et, si vous allez chez mon pote Rodriguez, il vous expliquera que le bar est certes rempli mais que là où l’on consommait quatre cañas, on n’en boit qu’une. Les tiendas de costumes flamencos bradent et le chiffre d’affaire des entreprises de locations d’enganches (calèches) a diminué de moitié cette année.
La crise affecte la Maestranza. Certes le public est là et avec les droits tv c’est une affaire juteuse. Mais pour quelle proposition ? Les désastres ganaderos s’accumulent. Le fameux "toro de Séville"souvent juste de présentation, s’avère le plus souvent de forces limitées, sans mobilité ni relief, inopérant sous le fer et fade dans la lidia. C’est la dégénérescence d’un concept imposé par le milieu et, disons-le, par les toreros vedettes (ou leur entourage) en quête exclusive de douceur et de rectitude dans la charge. Il faut rechercher dans l’encaste (origine) Domecq dominant, la cause de cette dangereuse décadence. Nous vivons une sorte de globalisation du toro de combat qui débouche sur une uniformisation des caractères, préjudiciable au spectacle. A défaut de protester -ce n’est pas dans le style local-, on dort sur les gradins.
Séville, capitale mondiale du toreo, devient ainsi un rendez-vous mondain où l’on vient du monde entier pour se congratuler entre happy-fews et participer au culte de l’idole locale devenue une sorte d’icône dont les moindres facéties passent pour des coups de génie. Et pourtant le toreo de Morante n’est pas celui de Curro encore moins celui de Rafaël même si, on en convient de bonne grâce, el de La Puebla est capable de grands moments comme sa fin de faena mardi devant un pâle Juan Pedro.
Cette féria qui a laissé à sa porte des toreros comme José Tomas, Miguel Angel Perera, Cayetano ou Aparicio est basée sur deux noms : El Cid et Morante, répétés 3 et 4 fois. Le premier vivant un grave moment de doute, c’est sur les épaules du second que dépend la réputation de la capitale andalouse. Elles sont un peu trop étroites pour ce genre de responsabilité. A défaut, il est là pour nous faire avaler la pilule amère de la médiocrité ambiante, et franchement c’est un peu gros. Comme dirait Brassens : "Trompettes de la renommée vous êtes mal embouchées".
Restent la valeur sure du Juli, son arrimon et son pudonor salué par un public qui sait être juste ; le nouveau Talavante son mélange de hiératisme et de temple et le classique Manzanares avec son élégance et son courage ; on attend Castella ce soir...
A quand la sortie de crise ?
Pierre