LA CRISE ET LE TORO...
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La crise est là et bien là avec son cortège de drames, de licenciements, la baisse du pouvoir d’achat... En Espagne, économie plus spéculative où les parachutes sociaux sont moins solides qu’en France, elle frappe encore plus fort. Comment va-t-elle toucher le monde de la tauromachie ? C’est ce que se demandent les professionnels...
Or, pour le moment -comment se projeter dans un avenir aussi incertain ?-, toutes les observations montrent que le secteur culturel n’est que peu affecté par cette dépression. Au contraire, et on l’a vu ces derniers jours par exemple avec une augmentation de 20% des visiteurs au salon du livre de Paris (cf. Le Figaro), une hausse des ventes des quotidiens et périodiques (cf. AFP), les bons taux de remplissage des stades et des salles de spectacle, la crise ne freine pas le désir des Français et plus largement des Européens, de sortir, de se divertir, de se cultiver. C’est d’ailleurs naturel, si l’on se place du point de vue de l’être humain, que de vouloir s’échapper d’une réalité sinistre...
Il est assez remarquable de voir le succès populaire de la première grande féria d’Espagne, Valence, dans une région où l’économie est chancelante. On y multiplie les llenos successifs. Il y a eu de bonnes entrées aussi à Castellon -voisine. Les bons apôtres qui prônent régulièrement une baisse des spectacles taurins en sont donc pour leurs frais.
En fait, la crise a "boosté" les organisateurs longtemps rois de la "combinazione", répétant des cartels sans intérêt, plus soucieux de leur porte-monnaie que de l’avenir de la corrida, pratiquant des tarifs prohibitifs qui écartent tout un secteur de la société : les jeunes... José Tomas remplit à tous les coups et, intention louable, il ne se prêtera plus à la vente d’abonos sur son dos comme par le passé. Mais il n’est pas seul à mettre le LLeno, Perera, Castella, Morante, Juli, Ponce, Fandi, Cayetano et son frère Francisco Rivera, lorsque leurs noms sont bien agencés, lorsque les combinaisons sont bien montés, suscitent aussi un grand intérêt et remplissent les banquettes.
Il y a dans ce moment historique difficile une opportunité pour la tauromachie. Certes elle est contestée comme jamais, mais elle trouve un écho nouveau dans un monde déboussolé qui recherche des valeurs refuges, l’or sur le plan économique, la tradition sur le plan sociétal. De ce point de vue ce qui se passe à Barcelone est emblématique : jamais les cartels de la Monumental n’ont été aussi passionnants, jamais les anti-taurins n’ont été aussi puissants... A bien y regarder c’est assez logique...
Et la France ? Pour ce qui concerne le sud-ouest, force est de reconnaître que du point de vue des propositions, la retraite forcée des Chopera semble une bonne chose. Les offres bayonnaises sont alléchantes : José Tomas puis un "six contre un du Juli", qui n’y souscrirait pas ? On attend Mont-de-Marsan mais les rumeurs sont agréables. Gros effort des Vicois qui, par ricochet, présentent une affiche ambitieuse avec Sergio Aguilar et El Fundi doublés. Aignan en présence d’El Fundi, Aire avec César Jimenez (en attendant Eauze) cela a de la gueule et cela montre que les "petites" arènes peuvent être audacieuses. Garlin avec l’excellent cartel de la novillada de printemps, tirera, si le ciel le permet, son épingle du jeu.
Il y a une vraie fraicheur dans toutes ces propositions. On a envie d’en être. On sent la concurrence, la prise de risque et le public marchera si la communication est à la hauteur. Là est le hic : il faudra pour rentabiliser tout cela, gagner de nouvelles parts de marché, savoir attirer des nouvelles têtes et, là non plus, les vieilles recettes ne marcheront pas. Le temps n’est plus aux polémiques ; franchement elles nous emmerdent. L’expérience d’Arzacq -certes modeste- montre qu’il est possible de réussir à condition d’être unis et de se retrousser les manches.
Encore un effort...
Pierre