Fallait-il grâcier "Desgarbado" ?
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Fallait-il gracier Desgarbado ? La polémique a débuté dès que le président ait ordonné que le sixième toro de Vctoriano del Rio ait la vie sauve. La pression du public était alors énorme et il y a longtemps résisté. Ce n’est donc pas un indulto qui s’est imposé aux yeux de tous spontanément. Le palco a même fait signe au matador de tuer l’animal, Perera prenant l’épée, puis sous les sifflets renonçant à passer à l’acte.
Un Indulto est quelque chose d’exceptionnel il faut donc que de nombreux paramètres soient réunis. Il s’agissait en l’occurrence du premier toro gracié depuis la construction des arènes en 1913. A vue de nez, 1 sur 10 000. Il fallait qu’il soit parfait le bougre, et cela sous toutes les coutures.
Or Desgarbado n’avait pas toutes les qualités. Au physique, trapio et défenses, on le qualifiera de raisonnable, modeste même et cela est vérifiable sur les photos. A la pique il fut pour le moins discret et subit un châtiment quasi inexistant. C’est au troisième tiers qu’il révéla ses atouts : son fond de noblesse, son tranco, sa fijeza. Il le fit en chargeant sans mollir, sans aucun signe de faiblesse, avec de la transmission et au bout du compte de la bravoure dans la muleta de Perera. Le matador a joué un rôle fondamental dans la vie sauvée de Desgarbado.
On entend dire un peu partout : « il est raide, il manque d’art »… Ouvrons les yeux : il a fait preuve d’un sitio incroyable, immobile et ne pliant jamais, de beaucoup de temple, conduisant les assauts avec douceur et de variété, alternant les pechos, les changements de main, les doblones, etc. On me dira Morante ? Oui bien sur c’est une question de goût, mais même si l’amour est aveugle le héros dimanche ce fut Perera.
En définitive fallait-il gracier Desgarbado ? aux yeux de l’orthodoxie : non. Mais la tauromachie est une religion qui évolue en permanence. Le toro d’hier n’est pas celui d’aujourd’hui et nous ne supporterions plus les faenas d’antan, sans parler des tercios de pique. Vox populi vox dei ! Ces moments font l’histoire. Ils font aficion on en parlera dans les chaumières. Dans le monde d’aujourd’hui les instants de bonheur ne sont pas si nombreux… On aurait tort de les plaindre !
Pierre